Histoire de l'handicap

Nous allons tout d'abord chercher à savoir comment l'image de l'handicap a-t-elle évolué au cours de l'histoire. Nous allons nous intéresser à différentes périodes, celles-ci allant de l'antiquité au XX ème siècle.



I. L'évolution de l'image de l'handicap au cours de l'histoire


Antiquité :

Le code de lois d'Hammurabi de 1792-1750 avant JC aborde le thème du « juste souffrant ». Toutes les personnes atteintes d'un handicap sont concernées. Les droits de ces derniers y sont présentés par exemple nous trouvons celui-ci « que le fort n'opprime pas le faible » Cependant quel que soit leur nationalité ou leur âge les personnes handicapées subissent toujours les regards négatifs d'autrui. De ces regards s'ensuivent différentes attitudes.

L'Egypte reste la plus accueillante envers les personnes handicapées. En effet le peuple égyptien considère que les nouveaux-nés atteints de malformation ou « simples d'esprit » dès leur première année de vie doivent être acceptés par la société. Ils pensent qu'ils sont touchés par la grâce des dieux. C'est de cette façon qu'un nain de haute condition appelé, le nain Sénès a épousé une princesse et personne n'y vit aucun inconvénient.

En Grèce l'attitude générale des citoyens face à une personne handicapée est la fuite ou la fascination. Le handicap est perçu comme un maléfice, une expression de la punition des dieux. Tout nouveau-né handicapé est présenté à « l'exposition » où les gérontes décident du sort de ces nourrissons handicapés. Dans le premier cas ils sont parfois utilisés par des mendiants pour attirer la compassion et la pitié des citoyens. Parfois même, les mendiants accentuent leur handicap. Dans le second cas, ils sont éloignés de la société, abandonnés dans les forêts ou dans un panier sur une rivière. Le but est de renvoyer les personnes nées handicapées à ses expéditeurs c'est à dire aux dieux ; ce rituel a un rôle de purification.

Dans la culture hébraïque le handicap est une forme d'impureté ou de péché. A cette époque en Israël les aveugles, les boiteux, les lépreux, les prostituées,... s ont regroupés ; ils sont donc considérés de la même façon. Ils sont exclus, ne pouvant pas occuper un poste au milieu de la congrégation. Un interdit leur empêche l'accès au culte et au rituel qui est soi-disant une exclusion mais qui protége la personne handicapée. « On fait porter le poids du péché, le poids du mal à celui que le malheur accable. Nous ne sommes pas loin du phénomène du bouc émissaire. L'interdit rituel en est une forme » dit Stiker. Jésus dit un jour que les handicapés seront les premiers à entrer dans « le royaume de dieu » dés lors l'interdit rituel et culte fut brisé. Les personnes handicapées atteignirent alors une dignité supérieure.

A partir de ce moment là les personnes handicapées de toute culture, de toutes nationalité et de tout âge furent considérées comme des génies ou détenants des pouvoirs divins. Nous pouvons citer Jules César qui malgré son épilepsie fut un grand empereur ou Moïse, quoique bègue créa la religion juive ou encore « le petit roi lépreux » (1160-1185) qui vainquit deux fois le sultan Saladin puis conclut la paix en 1180.

Mais même si on lie l'handicap à la présence de génie cela n'a pas pour autant changé le regard porté sur celui-ci, et les personnes handicapées se trouvent toujours rejetées de la société car leur handicap montre une forme d'incapacité civique et vitale.

Moyen-âge :

Après le moyen-âge les personnes atteintes d'un handicap sont un peu mieux intégrées dans la société. Les infirmes ont le droit à un avantage précieux; alors que de nombreux citoyens sont mis au travail forcé, eux bénéficient de l'aumône et d'un régime d'assistance ; les personnes atteintes d'handicaps de toutes sortes sont regroupés avec d'autres individus comme des pauvres au sein d'un hôpital général, comme par exemple celui de La Salpétrière. Nous ne savons pas exactement comment se sont déroulés ces derniers événements ; certains considéraient que ce n'était pas un droit, mais on enfermait les infirmes. Ces hôpitaux généraux peu nombreux jusqu'au XI ème siècle se multiplièrent au XIII ème siècle.

Cependant lors des grands fléaux du XIV ème siècle comme les guerres, épidémie, misère,.. etc certaines personnes commencent à se méfier à nouveau des personnes handicapées. L'image de l'infirmité est liée à nouveau à celle de la folie et de la pauvreté. Les handicapés provoquent la peur des citoyens ; ils se sentent en fait menacés et en danger alors que les personnes handicapées essaient de s'intégrer. C'est de ce mouvement que l'historien Bronislam Geremek né en 1932 s'est inspiré pour écrire son livre ; La potence ou la pitié. Dans celui-ci il parle surtout des pauvres parfois donc des handicapés Bronislam Geremek, y propose une réflexion sur la distinction entre bons et mauvais pauvres et la perception négative de la pauvreté. Il termine son essai en évoquant le sentiment de cruauté et de pitié.

Rejetés les handicapés se retrouvent avec les autres personnes exclus de la société ; ils se retrouvent dans la cour des miracles à Paris, qui est considéré comme un endroit miraculeux et magique, une fois la nuit tombée. Les handicapés physiques par exemple retrouvent l'utilité de leur membre qui ne fonctionnent plus. En 1630, une rue passant par la cour des miracles sera construite suite à l'ordre de louis XIII mais la plupart des ouvriers seront assassinés. C'est pour cette raison qu'on considérera la cour des miracles comme un endroit secret et dangereux pour le pouvoir royal. Après la mort de louis XIV La cour des miracles sera détruite. A peu près 60 000 mendiants, invalides, voleurs,... seront soit envoyés au galère, soit pendus, soit marqués au fer rouge,... Ceci se déroula en 1656..Victor Hugo parle de la cour des miracles dans son livre ; Notre Dame de Paris. Ce livre, raconte l'histoire d'un bossu assez laid rejeté de la société à de cause sa laideur mais surtout de sa différence. C'est pour cela qu'il se retrouve un jour à la cour des miracles où loge celle qu'il aime, Esmeralda une bohémienne dansant pour avoir de l'argent. Le narrateur écrit « le boiteux marchait droit, le paralytique dansait, l'aveugle voyait, le sourd entendait, les vieillards même étaient rajeunis ».

Grâce à la philosophie des lumières et la philosophie cartésienne, la psychiatrie apparut enfin et il y eut donc une distinction entre handicapé physique et mental. Les handicapés mentaux furent donc placés dans des asiles où l'on s'occupait spécialement de leur cas.

Les temps modernes :

Il faut aussi savoir que malgré tout ce qui a pu arriver aux personnes handicapés, ceux-ci étaient une grande source d'inspiration durant le moyen âge pour quelques écrivains et de nombreux artistes. A partir du XVe siècle, les gueux et les infirmes sont souvent les principales figures des tableaux de Jacques Callot « sa palette de motifs comprend aussi bien des scènes populaires, des fêtes et des gens de la cour que des mendiants et des personnages estropiés ».

Le mendiant à la jambe de bois (Jacques Callot)

Le mendiant à la jambe de bois fait partie d'une série de tableaux intitulés Les gueux. Celui-ci représente une vision réaliste des mendiants de l'époque qui étaient la plupart du temps des personnes handicapées.

Pieter Bruegel dit l'Ancien, un des plus grand peintres du XVI ème siècle peint en 1568 La parabole des aveugles.

La Parabole des aveugles (Pieter Bruegel)

Le nom de ce tableau est inspiré d'une parabole (récit allégorique de l'évangile) du Christ, « laissez-les. Ce sont des aveugles qui guident des aveugles. Or, si un aveugle guide un aveugle, ils tomberont tous deux dans la fosse ». Pieter Bruegel représente les aveugles comme ils étaient perçus à l'époque, c'est à dire comme des vagabonds et sûrement des mendiants. En jetant un regard rapide à ce tableau on peut y voir une scène comique ; plusieurs hommes tombent au ralenti. C'est en le regardant plus précisément qu'on voit que ces hommes sont aveugles, c'est là qu'on voit le coté tragique de ce tableau. On voit le déroulement des événements futurs, le premier aveugle en partant de la droite est déjà tombé et il entraîne les autres dans la chute, le deuxième trébuche, le troisième s'apprête à faire de même, le quatrième paraît sentir sa chute imminente tandis que les derniers ne se doutent de rien.

Un docteur a démontré que le deuxième aveugle en partant de la droite avait été mal soigné car il a une atrophie des globes oculaires et il reste une séquelle d'un glaucome.

Certains écrivains, ont aussi écrit des livres autour des handicapés. Au XIII ème siècle le livre Le Garçon et l'Aveugle paraît. C'est une farce qui raconte l'histoire d'un jeune garçon naïf qui se fait engager par un aveugle retors, cupide et vicieux. Malgré sa naïveté le jeune garçon parvient à plusieurs reprises, contrefaisant sa voix à le rouer de coups et à le dépouiller. En effet à cette époque on ne parle pas forcément de façon positive du handicap. Cet aspect est aussi présenté dans La vie de lazarillo de Tormes, un roman espagnol. Ce roman met en relation l'aveuglement physique d'un personnage du conte et son aveuglement moral, ce qui montre que les mentalités n'ont pas encore évolué du moins pas autant du point de vue moral que du point de vue scientifique.

Le XXème siècle :

Les citoyens de façon générale ne changent pas d'opinion vis à vis de la personne handicapée celle-ci est encore plus rejetée surtout lors de grands fléaux, comme les guerres. Une catégorie est épargnée : les invalides de guerre. Après la première guerre mondiale ils sont de plus en plus nombreux ; heureusement ils bénéficient de nombreuses aides.

Sur cette photo on peut voir des mutilés de guerre accompagnés d'infirmières qui font la « réclame », pour ce qu'ils appellent la Dette. Les guerres mondiales du XX ème siècle ont énormément fait augmenté la dette qui atteint son maximum. En 1933 une loterie est organisée au profit des anciens combattants de la première guerre mondiale. Les billets qui sont vendus 100 francs ne sont pas accessibles pour beaucoup de citoyens. Les « gueules cassées » qui sont les soldats défigurés suite à la guerre achètent les billets à l'Etat pour les revendre après les avoir fractionné en dixième afin que se soit abordable pour tous. Ces dixièmes de billets se vendent alors très bien.

Même si il y a eu d'autres guerres avant la première guerre mondiale, les « Gueules cassées » ne sont apparues qu'après celle-ci. Ceci est du à l'emploi massif de tirs d'artillerie, de grenades et de bombes. Il faut aussi savoir que les soldats se situant dans les tranchées la partie de leur corps qui reste la plus exposée est la tête... Pourtant restés en vie ils vont mener une vie difficile, étant sujet au regard qui se détourne sur leur passage même parfois ceux de leur famille, ils ont donc honte de se montrer. Souvent ils n'ont plus de foyer, et n'ont pas accès aux pensions d'invalidité. Les « gueules cassées » ne sont en effet pas tout à fait considérées comme des personnes handicapées. Mais puisqu'ils sont rejetées par la société de la même façon, nous est-il possible de faire la différence.

Alors que les personnes handicapées sont à peu près intégrées dans la société, arrive la seconde guerre mondiale. La Shoah qui signifie « catastrophe » en hébreux, ou Holocauste, qui signifie « le sacrifice par le feu », fait beaucoup de victimes. Deux tiers de la population juive sont tué par les nazies qui les considèrent comme des « races inférieures ». L'idéologie nazi considère les « aryens » comme des êtres supérieurs aux autres et destinés à dominer le monde. Il y a eu certes beaucoup de juifs tués mais aussi des handicapés que ce soit des personnes handicapées physiques ou mentales. Plus de 200 000 personnes atteintes d'un handicap sont assassinés lors de « l'aktion T4 », aussi appelé « programme d'euthanasie ». Les victimes de celui-ci sont sélectionnés par des médecins du T4 qui les choisissent selon leur dossier médical et les diagnostics du personnel des institutions d'où ils viennent. Ces assassinats systématiques sont produits dans les chambres à gaz mais aussi fréquemment par des médicaments. Hitler a signé secrètement en octobre 1939 une autorisation de mise à mort des allemands considérés « non-conforme ». Celle-ci est secrète afin de protéger contre d'éventuelles poursuites les personnes participants à ce programme. En janvier 1940 ce programme deviendra officiel, des actions de propagande suivront.

« 60 000 reichsmarks : c'est ce que cette personne atteinte de défauts héréditaires coûte au peuple. Camarade, c'est aussi ton argent ». Voilà ce que signifie ce qu'il y a écrit sur cette affiche, il y a aussi des propagandes sous forme de film qui ont pour but de développer la sympathie des citoyens pour le programme d'euthanasie.

Voilà une image provenant d'un film de propagande, produit par le de ministère de la propagande du III ème reich. On peut voir des personnes faisant partie d'un asile non identifié. Le message inscrit sur cette image est le suivant « Vivre sans espoir ». Voilà comment l es nazis qualifient la vie que mènent ces personnes handicapées.

Mais le peuple n'accepte toujours pas le code T4 malgré les nombreuses propagandes à ce sujet. Hitler est donc obligé de stopper officiellement l'aktion T4 en août 1941. Mais il la reprendra à nouveau secrètement comme au début, en août 1942. Il faudra attendre la fin de la guerre pour que celle-ci s'arrête réellement.




Les personnes handicapées ont été de nombreuses fois rejetées par la société, surtout lors des guerres. Il reste heureusement des sociétés qui ont toujours accepté la différence due à l'handicap. Ils ont aussi longtemps été l'objet d'inspiration pour de nombreux écrivains, poètes et peintres. On voit donc que les personnes atteintes d'un handicap ont eu beaucoup de mal à s'intégrer dans la société et encore maintenant elles en sont parfois exclues.